6 - Développement pour lutteur de foire

Développement pour lutteur de foire

Jeudi 24 avril.  au jus !

Un développement de 44x24. Sur le moment, je n'avais pas prêté garde au braquet unique du Martel que mon collectionneur allait me prêter. Quand j'en parlais autour de moi, les regards se faisaient souvent incrédules : "Tu n'y arriveras pas !". Ma réponse était toujours la même : "S'ils l'ont fait en 1910, pourquoi ne le referais-je pas ? Quitte à mettre pied à terre, comme le fit la presque totalité des 59 rescapés qui prirent le départ du Luchon-Bayonne il y a cent ans."

Lapize dans le Tourmalet, en 1910

Et puis, j'avais un point de référence. 44x24 = 3m 85 par tour de pédalier. Or, il y a trois ans, quelques jours après le Luchon-Bayonne que j'avais fait avec mon Orbéa, j'avais repris la route du Tourmalet avec un développement de... 5m10. Celui là-même qu’avait choisi Octave Lapize, à la stupeur générale, le 20 juillet 1910, la veille de s’élancer de Luchon, direction Bayonne et sept cols…. Du moins, c'est ce qu'il me semblait me souvenir après avoir lu "Lapize : celui-là était un as" de Jean Bobet.  Je m'étais trompé : Lapize avait utilisé 5m 10 pour l'étape Perpignan-Luchon. Il avait vu moins gros pour Luchon-Bayonne : 4m 90 (sic).

De la sortie de Sainte-Marie de Campan jusqu’au sommet du Tourmalet, je ne changerai pas de pignon m'étais-je promis. Comme Lapize ! Je fis gémir mes cuisses au début, car elles n'étaient pas habituées à pareil effort ; puis elles s’habituèrent et je parvins à mon but sans réellement souffrir. Tout juste eus-je la délicieuse sensation de monter au ralenti, de tout voir d’une autre façon : le moindre détail de la chaussée, du paysage, de mon vélo. Je grimpais comme extérieur à moi-même, avec l’impression de me regarder. Très étrange. Très révélateur également : je ne mis que dix minutes de plus que d'habitude.

Pour être juste, je ne serais pas allé beaucoup plus loin sur ce développement de lutteur de foires. Octave Lapize, lui, avait enchaîné les six cols en poussant son développement de lutteur de foire. Je me rappelais aussi que lorsque nous osons nous comparer aux coursiers, eux font (ou faisaient, en la circonstance) la course quand nous n’avons pour objectif que d’arriver en haut. Et cee n'est pas une différence mais un gouffre.

Octave Lapize : celui-là était vraiment un as ! Et les 58 autres aussi.

(à suivre)