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Enfants du Tourmalet

1 juillet 2010

42- La tête dans les étoiles

La tête dans les étoiles

Jeudi 1er juillet

Le rêve se prolonge, comme s'il ne devait jamais connaître de fin.

Hier soir, à la médiathèque Louis-Aragon de Tarbes, je me retrouve avec Marco aux côtés d'André Darrigade, Robert Cazala et Hubert Arbes ! Devant une salle est trop petite, ces champions nous régalent l'un après l'autre de leurs souvenirs, de leurs anecdotes, mais surtout, de leur modestie, de leur humilité, de leur richesse intérieure. Quel dommage que Raymond-la-déscience,  Soeur Nicosourire Anelka, Niais Ribéry, Henry et Gallas-les-melons-enflés ou Peste Abidal n'aient pas été là. Ils n'auraient pas pris une leçon , trop autistes pour entendre autre chose que le gargouillis infâme de leur nombril. Il n'empêche , ils auraient vu ce qu'est un  sportif digne de ce nom.

Ces champions du monde de la langue de bois en face - et de vipère dans le dos - n'auraient  donc rien entendu, rien compris. Je suis toutefois persuadé qu'ils auraient été frappés par le regard de ces hommes et femmes, venus souvent de l'autre bout du département, qui buvaient chaque parole. Non par idolâtrie mais parce qu'elle les emportait dans le plus délicieux des voyages, celui vers leur enfance.


De la première grande compétition sur piste d'André Darrigade au Vel d'hiv', vainqueur de l'invincible Antonio Maspès bien que le champion du monde eût retenu par la selle le gamin de Narrosse aux boyaux couturés de sparadrap, au dépit indélébile de Cazala, perdant le maillot jaune en 1959 le jour de l'arrivée dans ses Pyrénées par la faute à son compatriote Marcel Quéheille, en passant par le portrait inattendu de Bernard Hinault - " le contraire d'un blaireau "- par son lieutenant préféré, chacun de nous s'est régalé à un point indicible.
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Bernard Hinault

D'autant plus que les auditeurs ont été invités par Marcel Pouyllau, le maître de cérémonies, à devenir acteurs en y allant, eux-aussi, de leurs souvenirs ou anecdotes. Ainsi entendit-on un Magnoacais nous faire revivre "son" Aspin, alors qu'il avait 14 ans, en 1947, pour le Tour de la renaissance.

Il était persuadé de voir ses idoles, René Vietto et Apo Lazaridès, passer en tête tant ils étaient invincibles. à ses yeux aveuglés. Mais non, c'est Jean Robic qui déboula. Puis un autre, puis un autre encore...
vietto2
René Vietto, à la retraite, lors que j'eus l'honneur
et le bonheur de le rencontrer près de Tarbes,
à la fin des années 60

Lorsqu'Apo Lazaridès arriva enfin, notre adolescent crut défaillir quand il l'entendit lui intimer cet ordre stupéfiant de la part d'un grimpeur : "Pousse !" Pétrifié, à la fois par le fait de pouvoir "toucher" son dieu pédalant et par ce "pousse !", il ne put esquisser le moindre geste. "Pousse !". Évidemment, l'ado ne poussa point Apo Lazaridès qui laissa tomber alors, de dépit "Espèce de con..."

Magnifique ! Comme magnifique fut cette rétro poussette d'un autre qui, dans Aspin ou Peyresourde, prit "Popof" Graczyck en pitié et le poussa. Mais il se fatigua vite et s'apprêtait à cesser son aide lorsque le sprinter s'écria : "Si tu continues, je te donne ma casquette". Bien sûr, l'ado en remit un coup. Un long coup. Jusqu'à ce qu'il cessât, exténué. "Mais de casquette, je ne vis point, se souvient-il cinquante ans après. Je suppose que jusqu'au sommet du col, Graczyck fit la même promesse et ne donna pas un seul coup de pédale. En regardant les photos dans "Miroir Sprint" ou "But et Club", je me rendis compte qu'il portait toujours sa casquette à l'arrivée..."

Plus tard, alors que la soirée était finie depuis longtemps mais que certains ne parvenaient pas à s'arracher à leurs champions d'antan qu'ils touchaient de près pour la première fois, un de ces auditeurs vint à moi pour me donner - m'offrir, devrais-je dire - "son" incident Bartali du col d'Aspin 1950. Version d'un enfant de 11 ans qui était au sommet du col, ce jour-là, et qui tint à me raconter ce qu'il vit, et ce dont il se souvient.

"Ils étaient quatre en tête et non trois : Bobet, Robic, Bartali et Ockers. A l'approche de la banderole signalant la fin du col, Robic démarra afin de passer en tête. Mais Bartali le retint par la selle. Cette tentative illicite se retourna contre lui puisqu'il chuta. Un spectateur - un pilier de rugby du Stadoceste Tarbais nommé Lafitte - se précipita pour relever le champion italien. Je ne me souviens pas lui avoir vu un Opinel à la main comme on l'a rapporté. Ce dont je me souviens en revanche très bien c'est que Bartali le repoussa avec une violence incompréhensible, avant de saisir son vélo et de le faire tournoyer tout autour de lui., blessant de nombreux spectateurs. Il finit par remonter en selle et s'élança dans la descente.
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Gino Bartali

Les gens étaient aussi stupéfaits qu'échauffés par cet incident lorsqu'arriva Fiorenzo Magni. Italien comme Bartali, il subit les conséquences de la réaction violente de son aîné . Autant personne n'avait insulté Bartali, autant des spectateurs jetèrent des mottes de terre au visage de Magni, puis des Italiens qui suivirent."

J'ajouterai cette version aux autres dont j'avais déjà connaissance. Avec le sensation d'avoir appris beaucoup de choses nouvelles, de la même manière que j'avais fait d'inestimables découvertes lors de mes recherches pour écrire "L'étape assassine", découvertes allant pourtant contre la légende ds cycles écrite par mes prédécesseurs dans le journalisme, au fil des années.

Quant à l'explication de la raison pour laquelle Gino Bartali abandonna après l'arrivée à Saint-Gaudens (alors qu'il avait remporté l'étape), André Darrigade écouta avec attention les deux hypothèses que je rapportai, à savoir que, soit le campionnissimo n'avait pas supporté que le maillot jaune fût allé à Magni, son rival de l'équipe bis d'Italie trop bien placé pour le battre au classement général final, soit leur rivalité n'était autrement profonde et dépassait le sport, Magni ayant été chemise noire mussolinienne pendant la guerre, au contraire de Gino le Pieux. "Maintenant que vous le dites, je me souviens très bien que lors d'une course en Italie à cette époque, rapporta Darrigade,  j'avais été surpris d'entendre des spectateurs hurler "Fasciste !" au passage de Magni."

Ainsi va le Tour d'enfance de chacun de nous, qui ne finit jamais d'offrir ses cadeaux...

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26 juin 2010

41- L'histoire du vélo sans selle

L'histoire du vélo sans selle

Samedi 26 juin

Belle surprise, hier soir, avec l'envoi par Jean Jimenez de son premier petit film sur notre épopée du 12 juin. Comme nous voulions la partager sur You tube ou Dailymotion, il a saucissonné son œuvre en petits épisodes susceptibles d'être téléchargés. Voici donc le premier d'entre eux, depuis le départ à Luchon (qu'il'' n'a pu filmer puisque nous l'avions chargé de brandir le drapeau jaune de "L'Auto" à 3h 30 précises, comme il y a cent ans. Mais ensuite, il n'a rien raté de notre ascension du col de Peyresourde dans le noir le plus total, de l'arrivée au sommet avec notre manœuvre par rapport aux lampes à bougie censées nous éclairer (...), de la descente dans l'obscurité totale, enfin de l'épisode de la tige de selle brisée et de la suite.

Le talent, c'est d'être présent au bon moment. Jean l'a été, comme je m'y attendais. En plus, il a commenté ce qu'il filmait en direct, du volant de sa voiture, avec les réflexions de mon épouse Michèle et de la sienne. Elles valent leur pesant, non de cacahuètes, mais de tout ce que j'avais glissé dans la poche kangourou de mon maillot "Alcyon Dunlop".

Si vous ne voulez pas manquer ce premier épisode de notre "étape assassine", allez sur You tube et tapez, dans "recherche" "histoire vélo sans selle". Et n'hésitez pas à envoyer des commentaires !

24 juin 2010

40- Nouvelles dates de rencontres

Nouvelles dates de rencontres

Deux nouvelles dates (Lannemezan et Luchon) se sont ajoutées à celles de mes rencontres avec le lecteur. J'y parle de mon livre, de l'étape assassine, et de notre "reconstitution". En voici le récapitulatif (entrée gratuite, évidemment) :


- mercredi 30 juin, 20h 30, médiathèque Louis Aragon de Tarbes (jardin Massey), avec André Darrigade, Robert Cazala et Hubert Arbes

- samedi 3 juin, 17h, Centre culturel de Séméac

- dimanche 4 juin, toute la journée à partir de 11h, avenue de la Marne à Tarbes, dans le cadre de la grande journée du Tour de France organisée par les commerçants de cette artère.

- jeudi 8 juillet, 18h 30, mairie de Lannemezan

- vendredi 9 juillet, 19h, abbaye de l'Escaladieu, dans le cadre des manifestations organisées par le Conseil Général 65 pour le Centenaire du Tour de France dans les Hautes-Pyrénéées

- mardi 13 juillet, 18h 30, à Trie sur Baïse

- samedi 17 juillet, à la librairie "L"Izarts" à Arreau (17h)

- dimanche 18 juillet, 14h, Musée de Luchon (allées d'Etigny)

- lundi 19 juillet, 18h, bibliothèque municipale de Bayonne

- mardi 20 juillet, 18h, librairie Tonnet à Pau

Je dédicacerai mon livre à l'issue de ces rencontres.

J'attends avec gourmandise le moment de vous voir et de discuter avec vous !

22 juin 2010

39 - Lettre de Lapize à Anelka et Evra

Lettre de Lapize à Anelka et Evra

Mardi 22 juin

"Il nous est parvenu, moi et mes 58 camarades qui, le 21 juillet 1910, furent précipités dans la traversée des Pyrénées centrales sur des vélos sans dérailleur par les organisateurs du Tour de France cycliste, il nous est parvenu un écho selon lequel vous auriez fait grève afin de défendre un petit camarade coupable de gros mots à l'encontre de son entraîneur.

"Ni moi, moi mes amis, n'avons voulu le croire. Le droit de grève est un droit trop sérieux pour qu'il soit galvaudé par des enfants plus que gâtés, pourris. Il y a cent ans de cela, chacun de nous travaillions alors que nous étions encore en culottes courtes. Nos tâches étaient lourdes, consistaient à aider nos pères dans leur labeur de force. Nous ne recevions aucun salaire, parfois une calotte pour avoir fainéanté un brin.

"Au printemps 1910, le directeur de "L'Auto" (ancêtre de "L'Equipe", un journal que vous aimez particulièrement si nous sommes bien informés) publia le parcours du prochain Tour de France. Nous découvrîmes avec angoisse que nous allions devoir traverser les Pyrénées en deux étapes seulement, par des chemins non carrossables et sur des vélos dont le seul luxe était de disposer de deux roues et d'un guidon. Comme nous étions déjà professionnels, nous avions reconnu ces deux étapes avec notre équipe "Alcyon". Notre ami Lucien Mazan, dit Petit-Breton, qui était déjà consultant pour "La Vie au Grand Air Illustrée", avait écrit à ce retour de reconnaissance : "Ces salauds veulent notre peau. S'ils nous envoient sur ces routes la nuit, ce sera un assassinat." Il n'y allait pas avec le dos de la cuillère... Nous partagions tous son avis.

"Pourtant, le 19 juillet, nous nous sommes élancés de Perpignan, direction Luchon avec au menu 289 kilomètres et 4 cols. Et le surlendemain, nous avons remis cela entre Luchon et Bayonne, 326 kilomètres et 6 cols. Nul d'entre nous ne fit grève, ni n'en menaça les organisateurs. Nous étions professionnels, nous avons simplement fait notre métier. Point barre, comme vous dites, je crois.

"Nous n'en avions pas tiré une gloire excessive, mais nous étions tout de même soulagés d'être parvenus au but sans y avoir laissé notre peau.

"Cent après, deux fous de vélo et d'histoire viennent de refaire ce que nous avions fait. Sur le même vélo que nous. Ils ont pu - un tout petit peu - se rendre compte de ce que nous avions vécu, enduré, souffert.

"Croyez-vous que, dans cent ans, il se trouvera un fou de football et d'histoire pour vous imiter ? Croyez-vous qu'il se trouvera un écrivain pour raconter votre aventure en Afrique, cette terre dont la plupart d'entre vous êtes originaire par vos racines et que vous avez pourtant salie de votre mépris ? A bien y chercher, il trouvera une explication sensée à votre mouvement : un entraîneur incompétent et méprisant, une fédération hantée d'incapables rimant avec notables. Il imaginera que votre coup de tête (et oui, il y a quatre ans, déjà, Zizou donnait l'exemple sans que grand monde trouve à redire...) aurait pu se manifester pour des manques graves de vos dirigeants, par exemple l'absence de brassard noir après la catastrophe de Draguignan, ou encore le choix de chambres d'hôtel pour milliardaires, à deux pas de townships, ce mot qui veut dire "bidonville".

"Mais non vous auriez, nous dit-on, fait grève parce qu'on t'avait puni, Nicolas, pour avoir injurié ton coach. Être solidaire dans ce cas-là, c'est être complice.

"Nous ne vous saluons pas, pas plus que nous ne saluons Fabian Cancellara et sa bicyclette électrique. Nous avons mieux à faire car, figurez-vous que nous sommes entourés d'enfants, de petits anges, qui nous demandent de leur raconter des histoires, "Il était une fois Luchon-Bayonne, le 21 juillet 1910" par exemple. Aucun d'entre eux ne nous a demandé de lui raconter "Il était une fois l'équipe (?) de France de football en Afrique du Sud, le 20 juin 2010."

Tant mieux car il n'y avait rien à raconter. Tout était à pleurer..."

Signé : Octave Lapize et les 58 rescapés
du 87 tour de France cycliste
qui prirent le départ de Luchon-Bayonne, il y a cent ans
et dont la plupart ne gagnèrent pas un sou, mais seulement
leur propre considération qui, il est vrai,
n'a pas de prix et, vraisemblablement,

la considération générale

qui vaut tous vos contrats.

18 juin 2010

38- D'autres photos

D'autres photos

Samedi 19 juin

D'autres photos ont été prises par des amis lors de notre Luchon-Bayonne à la mode Lapize. Je suis heureux de vous les passer au contraire des Bleus de Domenech qui ne se sont pas passés le ballon parce qu'ils ne s'aiment pas, tout simplement, et que lui ne leur a pas donné cette vie que, manifestement, il ne connait pas car à part lui-même, je ne vois pas qui il aime...
aspin_1910_2

Marco Lebreton,
Seigneur d'Aspin

Courage_ Dure, dure la traversée de La Mongie, dans le brouillard, mais sous les encouragements de ma Michèle.

Dure aussi avait été, auparavant, l'ascension d'Aspin, réduit au régime sans... selle !


Aspin_1910

f_licitations
Au sommet du Tourmalet, un beau moment de partage avec Gaston Ara, de mon club Cyclo Roue Libre mais qui n'avait, cette fois, pas enfourché son vélo samedi, pour mieux me suivre en voiture.Je_t_aimeCe pauvre Marco a passé un temps infini à m'attendre en haut de chaque col : il a une jambe de plus que moi, au minimum ! Je me demande comment il n'a pas pris froid (ici, calfeutré dans une pelisse digne de Desgrange, au sommet du Tourmalet).
JP_15Notre photo préférée à tous les deux, prise huit jour avant notre expédition, au Centre Laurent Fignon à quelques minutes du départ de la montée du Géant.

(à suivre)


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18 juin 2010

37- Rencontres avec le lecteur

Rencontres avec le lecteur

Vendredi 18 juin

Une semaine, déjà... C'est fou ce que le temps passe vite. En tout cas aujourd'hui : voici huit jours, sur ma Rossinante, il avançait moins. Encore que je fus pris dans un tourbillon tel que je n'avais plus aucune notion de temps.
Devant le regard incrédule des lecteurs rencontrés, deux jours après, à la médiathèque de Bagnères, devant leur nombre aussi (trop nombreux furent ceux qui durent m'écouter debout), je me dis que peut-être des lecteurs de ce blog seront intéressés par les rencontres futures où je parle de mon livre, de l'étape assassine, et de notre "reconstitution". En voici les dates (entrée gratuite, évidemment) :
- mercredi 30 juin, 20h 30, médiathèque Louis Aragon de Tarbes (jardin Massey), avec André Darrigade, Robert Cazala et Hubert Arbes
- samedi 3 juin, 17h, Centre culturel de Séméac
- dimanche 4 juin, toute la journée à partir de 10h, avenue de la Marne dans le cadre de la grande journée du Tour de France organisée par les commerçants de cette artère. Je serai sur le stand de la librairie "Chapitre"
- vendredi 9 juillet, 19h, abbaye de l'Escaladieu, dans le cadre des manifestations organisées par le Conseil Général 65 pour le Centenaire du Tour de France dans les Hautes-Pyrénéées
- mardi 13 juillet, 18h 30, à Trie sur Baïse
- samedi 17 juillet, à Luchon (14h), puis à la librairie "L"Izarts" à Arreau (17h)
- lundi 19 juillet, 18h, bibliothèque municipale de Bayonne
- mardi 20 juillet, 18h, librairie Tonnet à Pau.
Je dédicacerai mon livre à l'issue de ces rencontres.

A bientôt donc, si le cœur vous en dit !

17 juin 2010

36- C'est plus beau en photos

C'est plus beau en photos

Jeudi 17 juin

Je viens de recevoir quelques premières photos. Signées Pierre Duffour, mon ancien complice du "Journal de la Médiocratie", fulgurantes comme je l'espérais. Et une de Rémy Pouyllau, venu avec son père me saisir au sommet d'Aspin atteint sans selle.

Je vous les offre aujourd'hui. Elles transcrivent merveilleusement notre effort, encore que Marco ne semble jamais souffrir. Il m'a avoué qu'un jour, un cyclo lui avait dit : "Tu pédales comme on peint." L'image est belle, et juste. Marco est un seigneur de la route, né pour faire du vélo, souriant sans cesse,comme s'il ne ressentait aucune souffrance. Je sais qu'il a pourtant souffert, comme quiconque appuie sur les pédales et tire sur le cintre. Mais il a la noblesse de le cacher. Et puis, je pense que son plaisir est plus fort que tout.

A côté de lui, je semble un gregario, un besogneux. Ce que je suis. Mais cela ne m'empêche pas de réaliser des projets qui dépassent la normalité (ce Luchon-Bayonne 1910, la triple ascension du Ventoux en 24h pour entrer dans la confrérie des "Cinglés du Ventoux", la montée de l'Angliru - col le plus pentu d'Europe, dans les Asturies, le seul où les pros utilisent un triple plateau comme on a pu le voir dans la Vuelta - pour célébrer mes 60 ans, Paris-Roubaix, le Tour des Flandres, Hendaye-Cerbère... etc). Que ceux qui ne pédalent pas "comme on peint" ne se découragent pas. Pas plus que ceux qui ne peuvent pas aligner les kilomètres : je suis - très modestement - la preuve qu'ils peuvent atteindre leur objectif s'ils le VEULENT. Car je n'ai accompli que 2 957 kilomètres depuis le 1er janvier. Mais pas n'importe comment, privilégiant la qualité à la quantité...

Allez, suffisamment parlé de moi, voici les photos promises. Régalez-vous,prenez en plein les mirettes !

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- "Messieurs, le départ est donné !" (Luchon, 3h 30 samedi 12 juin, devant le Casino de Luchon)











Bas de la descente du Peyresourde, la tige de selle de mon Martel cède net. Marco tente en vain
de réparer. Il me conseille, non pas d'abandonner, mais de continuer sur mon vélo de course habituel.

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J'en suis quitte pour rallier Arreau, puis monter (et descendre)
Aspin en danseuse, "hors de la selle"
comme on disait en 1910.


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tourmalet_1910 La montée du Tourmalet, escorté (et attendu) par mes potes de Cyclo Roue Libre, avant de récupérer au sommet du col, tandis que Marco, arrivé depuis longtemps, patiente emmitouflé dans une couverture, sous l'œil compatissant d'Octave Lapize, ce Géant.
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(à suivre)

14 juin 2010

35- Maintenant, on sait !

Maintenant, on sait !

Lundi 14 juin

Voilà. C'est fait. Je ne dirais pas "bien fait". Mais tel n'était pas notre but.

Nous sommes partis à 3h 30 précises devant le Casino de Bagnères-de-Luchon samedi 12 juin, 2010 devant un drapeau jaune comme celui de L'Auto, jadis, et avec cet ordre lancé par Jacques Goddet quand il dirigeait le Tour de France - "Messsieurs, le départ est donné"-.

Nous ne sommes arrivés que le dimanche 13 juin, à 3h 15 du matin. Nous avons donc mis 23h 15 et les quatre derniers du 21 juillet 1910, arrivés ensemble -Duffour, Chaudé, Collet et Cauvry - nous auraient mis deux heures dans la vue. Ce n'étais pas voulu, mais il ne pouvait y avoir plus belle fin, ni plus belle morale.

Notre but était en effet de "savoir" et de "prouver". Savoir ce que purent ressentir, ne serait-ce qu'un tout petit peu, les 59 champions qui disputèrent la première étape de grande montagne de l'histoire du Tour de France. Et prouver que ce qu'ils réussirent était un exploit inouï, tombé aux oubliettes de l'oubli, car le temps efface tout.

Maintenant, on sait. On sait leur peur dans la nuit noire, sur les pentes inhospitalières du Peyresourde. La détresse lorsque casse une pièce du vélo et que surgit l'idée de l'abandon (en l'occurrence, ma tige de selle, au bas de la descente du col); contre l'avis de tous, de Marco notamment, de Jean Bobet aussi que ma femme avait au téléphone, je décidais de continuer, roulais jusqu'à Arreau assis sur le cadre et montais Aspin tout en danseuse, descendant à nouveau sur la selle jusqu'à... Sainte-Marie de Campan. Repartie à Tarbes afin de ramener la collection de tiges de selle de son compagnon Marco, Nathalie nous attendait sur la place, à deux pas de la fameuse forge où, en 1913, Eugène Christophe avait abrasé sa fourche brisée. Dans aucun scénario, on n'aurait imaginé pareille scène et pourtant, elle se reproduisait. Sauf que ce n'était pas moi qui réparais mais Marco et un spectateur.

Car une vraie foule nous attendait, en autres de nombreux membres de ma chorale d'Aureilhan , "Amabile" et presque tout mon groupe 3 du Cyclo Roue Libre de Bernac-Debat, mais aussi Antoine, mon ancien compagnon de club à Juillan avec qui j'avais fait Hendaye-Cerbère, et Jean-Bernard Borguétou, inconditionel de Poulidor. Eut-il été présent, Henri Desgrange (ou Victor Breyer qui lui avait succédé à la tête du Tour en 1910 puisque HD avait pris peur et battu en retraite à la veille de "L'étape assassine") nous aurait disqualifié spour "assistance et collusion". Cent après, dans mon esprit et mon coeur, ces deux mots étaient remplacés par un seul, "amitié".

Maintenant, on sait la douleur physique ressentie par Lapize et Garrigou sur les pentes du Tourmalet avec ces braquets brise-mollets et coupeurs de cuisses. De la sortie du virage de Caderolles à lellede La Mongie, cela devint un calvaire pour moi comme cela le fu t, assurément, pour tous ceux qui avaient été distancés  par les deux as, échappés de la première heure, àla manière de Marco tenant en respect de jeunes coureurs espagnols de la Luchon-Bayonne officielle. On sait aussi leur fierté intime d'avoir vaincu le Géant des cols, puis leurs frissons dans la descente, avec des freins de pacotille, frissons de peur bien sûr,  mais surtout de plaisir tant dominer une telle chute libre procure des sensations que les freins sophistiqués d'aujourd'hui ne permettent même pas d'imaginer.

On sait également ce que représenta le mur de la côte d'Arras en Lavedan, dans Argelès-Gazost, un coup de massue alors que les cols de Soulor et d'Aubisque s'annonçaient. Les jambes coupées, le souffle court, je doutais un court instant, pour la première et la dernière fois de la journée. Mais je me souvins que Jean Bobet et André Darrigade m'attendaient, quelques virages plus haut, puisque je les avais reconnus sur le bord de la route, à la sortie de Pierrefitte-Nestalas, juste après que nous ayons croisés Cadel Evans lancé sur la reconnaissance du Tourmalet dans son beau maillot arc-en-ciel.

On sait aussi ce que peut représenter une halte en haut d'un col, dans un café où fument les bols chauds de chocolat ou de café dont on se délecte en écoutant  deux grands champions d'antan. Jean Bobet convenait qu'il fallait être "un peu spécial" pour tenter ce Luchon-Bayonne sur un vélo de 1910 mais se hâtait d'ajouter que "notre monde formaté avait besoin de gens comme ces deux-là". André Darrigade expliquait les raisons techniques (en particulier leur chasse) faisant que nos vélos étaient de petites merveilles, hormis leur pignon unique évidemment. Ce genre de halte dans l'effort, ce drapeau blanc pendant la guerre, ceux de 1910 ne le connurent pas. Hélas pour eux. Mais quel bonheur et quel honneur pour nous !

On sait aussi, maintenant, ce qu'aurait pu devenir l'étape assassine, le 21 juillet d'il y a cent ans, s'il avait fait le même temps que celui qui s'abattit soudain sur nous , entre pluie et brouillard. Un vrai traquenard,  piège dans lequel la plupart des coureurs seraient tombés et n'auraient pu se relever. Pas plus, peut-être, que le Tour de France et ses dirigeants qui avaient décidé de cette étape sans imaginer que le principal adversaire ne seraient ni les six cols, ni les 326 kilomètres de chemins de terre, mais la météorologie, imprévisible en 1910 comme aujourd'hui. Ils n'étaient certainement pas "criminels" comme les en accusa Lapize, mais "inconscients"...

Car, dès le premier mètre de la descente du col d'Aubisque (18 kilomètres vraiment pentus) Marco et moi nous nous retrouvâmes sans freins. La pluie, soudain violente, rendit inefficace l'action de nos patins de liège sur les jantes en bois. Nous ne trouvâmes qu'une solution, les remplacer par nos pieds.... La semelle de nos chaussures peut témoigner de ce que fut cette descente, trouée qu'elle est...

Maintenant, on sait enfin ce que furent les 187 kilomètres séparant Aubisque de Bayonne. Une route interminable, semée de côtes, de faux plats, ventée, mouillée... "Une sale route" comme disait Garrigou après l'arrivée. Beaucoup, en 1910, la firent comme nous, en pleine nuit. A la différence qu'ils étaient seuls, désespérément. Quand nous étions précédés par Jean-Michel Martel, arrière-petit-fils du constructeur tarbais de mon vélo (Gustave Martel, pour ceux qui n'auraient pas lu les épisodes précédents), warning allumé, distance de sécurité assurée, sherpa de nos 80 derniers kilomètres. Sans oublier celles et ceux qui nous suivaient, éclairant nos ombres, nous évitant les trous et autres nids de poule, nous assurant surtout de leur présence comme depuis la veille où elles et ils avaient été aux petits soins pour nous. Sans oublier non plus Henri Breuillé, vélociste à Cambo, nous attendant patiemment dans son magasin peuplé de vélos de collection (aux côtés de ceux, magnifiques, d'aujourd'hui). Sur le comptoir nous attendaient boissons, gâteaux, friandises. Henri n'était pas seul, Francis Lafargue, le mentor d'Indurain dans les années 90, était là, et d'autres passionnés de vélo, à 2h du matin ! Ultimes maillons de la chaîne d'amitié qui nous avait fait avancer jusque là.

Maintenant, on sait de quel bois se chauffaient Lapize et Albini, Faber et Lafourcade lancés à leur poursuite, ou Cruchon qui ne fumait plus la pipe mais la serrait entre ses mâchoires. Alors que nous nous endormions sur nos machines et comptions les kilomètres nous séparant de Bayonne comme on compte les moutons avant de s'endormir, eux bataillaient pour la victoire, qui de l'étape, qui du Tour de France, qui d'une prime.

On sait, enfin, leur arrivée, dans un faubourg de Bayonne, dans la nuit, drapeau agité par Madame Martel là même où Alphonse Steinès agita le sien devant Lapize et Albini se livrant au sprint le plus démoniaque qui soit.

Pour finir, avant de vous livrer quelques photos lorsqu'elles seront triées (Pierre Duffour en a pris en un jour plus que jamais n'en prirent tous les reporters réunis de "La Vie au Grand Air Illustrée" durant leur carrière ) , puis sans doute un récit illustré des meilleurs clichés, pour finir je préviendrai ceux qui seront tentés de  nous tresser des louanges afin qu'ils ne se trompent pas. Nous ne méritons surtout pas le titre de héros, de fous peut-être. Les héros, ce furent eux, ceux de 1910. Hommes avec un H majuscule, plus haut encore que Tourmalet et Aubisque.

10 juin 2010

34 - Veillée d'armes

Veillée d'armes

Jeudi 10 juin. 2 au jus !

C'en est fini de neuf mois d'entraînement (physique et mental), les dés sont jetés. Plus possible de revenir en arrière, de changer telle ou telle chose. De toutes les façons, j'ai suivi la préparation prévue, travaillant uniquement ma force, aux dépens de la puissance et de la vélocité. Mon cœur n'est jamais monté. J'ai pu vérifier samedi, lors de l'ascension du Tourmalet pour la Montée du Géant, que je ne m'étais pas trompé. J'ai emmené mon 44x24 sans y laisser trop de jus.

Je consacre ma journée aux sacs divers à faire sans rien oublier. En même temps, je répondrsaux questions de Christophe Vindis, réalisateur de cinéma (Films de la Castagne) qui termine un documentaire sur les Cent ans de Tour de France dans les Pyrénées. Il va nous suivre, Marco et moi, toute la journée de samedi. En fin d'après-midi, conférence de Jean-Paul Ollivier qui me fait saliver à l'avance; je vais en profiger pour lui offrir mon livre ("L'étape assassine, Luchon-Bayonne 1910", éditions Cairn, 18 euros).

Demain, je terminerai les sacs et, en début d'après-midi, départ pour Luchon. J'y retrouverai Jean et son épouse Françoise. Nous irons ouvrir la grange que lui prête un ami pour la nuit, à St Aventin, au début du col de Peyresourde. C'est là que, déjà, nous avions passé la nuit avant notre Luchon-Bayonne, en 2007. Marco, Nathalie et Lisa nous rejoindront en fin de journée car ils travaillent. Repas (pâtes, jambon blanc au menu). France-Uruguay devant la télé. Puis 3h maximum de lit, je ne dis pas de sommeil... Lever prévu à 2h du matin, petit-déjeuner très léger. Descente en voiture pour Luchon où Pierre Duffour (mon ami photographe qui va, lui aussi, rester avec nous jusqu'à Bayonne) et Christophe Vindis et son équipe nous rejoindront ,à 3h devant le Casino. A 3h 30, départ avec un drapeau jaune, comme en 1910....

Je ne pourrai vous raconter notre aventure que mardi ou mercredi, après deux jours passés à récupérer à Juzet, chez Jean et Françoise. Comme il n'y a pas internet dans ce petit village blotti au creux du col des Ares (franchi en tête par Lapize en 1910 lors de la première étape pyrénéenne, Perpignan-Luchon), vous devrez patienter. Dites-vous que, moi, je patiente depuis octobre dernier !...la

J'apprêtais à publier ce dernier blog d'avant-aventure lorsque j'apprends que deux amis ne pourront partager avec nous come ils le souhaitaient. D'abord, mon vieil ami Michel Lapeyre, qui avait tant couru son Bayonne pour y préparer notre arrivée et notre venue, s'est rompu le talon d'Achille. Le voici cloué, immobilisé, lui quji ne peut rester en place... Et puis Jean-Michel Martel, arrière-petit-fils de Gustave Martel, constructeur du vélo sur lequel je vais rouler, a vu une tendinite au genou se déclarer. Sans doute s'est-il trop entraîné pour pouvoir faire Soulor et Aubisque en notre compagnie. Le voici contraint de nous escorter en voiture, et non à vélo. J'en suis navré et cela me gâche la fête à venir... Mis que faire contre le destin ? Je me dis qu'il est déjà miraculeux que je sois arrivé jusqu'à ce 12 juin sans accident majeur. Que le miracle dure jusqu'au 13 !

(à suivre)

9 juin 2010

33- Horaires de passage

Horaires de passage

Mercredi 9 juin. 3 au jus !

J'adore les photos qui disent tout. Celle-ci est magnifique, non parce que j'y suis, mais parce qu'elle résume toute notre aventure : nous ne serons jamais que des nains de la route à côté d'Octave Lapize et des 58 autres champions qui, le 21 juillet 1910, s'élancèrent de Luchon à la conquête des Pyrénées. Et ,quoique nous fassions, nous ne les rattraperons jamais, nous serons toujours derrière eux, à la remorque de l'histoire.
_DSC8135Photo José Navarro

Nous n'en ferons pas un complexe pour autant et nous nous élancerons à notre tour dans trois jours., le cœur entre les dents.

J'ai tenté d'établir un tableau de marche à partir de mon expérience de 2007. Mais sur un tel vélo, il est difficile de prévoir quelque chose d'exact. J'ai donc pris une hypothèse haute et une basse. Seul l'avenir où nous nous situerons !

Luchon : 3h 30 (c'est la seule certitude !)
Col du Peyresourde : entre 5h et 5h 10
Arreau : entre 5h 35 et 5h 50
Col d'Aspin : entre 7h et 7h 10
Ste Marie de Campan : entre 7h 20 et 7h 35
Col du Tourmalet : entre 9h 40 et 10h 25
Luz Saint-Sauveur : entre 10h 15 et 11h
Argelès-Gazost : entre 11h 05 et 12h
Aucun : entre 11h 55 et 13h
Arrens : entre 12h et 13h 05
Col du Soulor : entre 13h et 14h 20
Col d'Aubisque : entre 14h et 15h 35
Laruns : entre 14h 20 et 15h 55
Arudy : entre 14h 50 et 16h 40
Oloron : entre 15h 30 et 17h 25
Aramits : entre 16h 10 et 18h 15
Tardets : entre 16h 40 et 18h 30
Mauléon-Lichare : entre 17h 05 et 19h 20
Col d'Osquich : entre 18h 20 et 20h 45
Larceveau : entre 18h 40 et21h 15
Saint Jean Pied de Port : entre 19h 30 et 22h 15
St Martin d'Arroza : entre 20h 05 et 23h

Bayonne : entre 22h 30 et 2h du matin le dimanche 13 juin.

Comme nous tenons à finir, d'abord au plateau de Marracq, à l'endroit même où avait été tracée la ligne d'arrivée en 1910 (lieu retrouvé grâce à André Martel, le petit-fils de ce lui qui a construit mon vélo, il y a cent ans), puis à l'ex-Brasserie Schmidt où avaient pointé les coureurs, au terme de leur épopée, et que ce qui est devenu un pub irlandais (sur les bords de la Nive, face à la mairie) ferme à 2h, il nous faut à tout prix y être avant cette fermeture. afin de sabrer le champagne.

Nous y serons donc, sauf incident mécanique ou corporel !

(à suivre)

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Enfants du Tourmalet
  • Le Tour de France et le Tourmalet : une histoire d'amour vieille de cent ans ! J'ai donc décidé de faire revivre qui furent les premiers coureurs qui s'attaquèrent au Géant des Pyrénées mais aussi de refaire ce qu'ils accomplirent.
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