Dopage !

Mardi 1er juin. 12 au jus !

Pourquoi écrit-on un livre me demande-t-on souvent. Question difficile, suscitant bien des réponses. Sans doute s'agit-il d'une soif de partage, provoquée par d'autres soifs, d'autres raisons, plus ou moins conscientes.

Dans le cas de "L'étape assassine" (en vente 18 euros chez votre libraire ou à lui faire commander aux éditions Cairn, de Pau)

c'est bien de cela qu'il s'agit : partager. Lorsque mon éditeur me demanda d'écrire un court récit de l'étape Luchon-Bayonne 1910, j'étais à cent lieues de deviner avec qui j'allais passer neuf mois. Tous les personnages découverts au fur et à mesure de mes recherches m'enchantèrent. De travail, le livre devint immédiatement plaisir. Et ce dès le premier personnage, Jean-Baptiste Camdessoucens, de Gère-Belesten, au pied du col d'Aubisque. Le fait d'avoir été reçu par la belle-fille du champion, dans les lieux même où il vécut toute sa vie, avait en soi quelque chose de très émouvant. Et ce que me raconta la vieille dame renforça cet émoi.

A Lahontan, chez les descendants de François Lafourcade, l'émotion monta de deux tons. J'avais lu tant de mauvaises choses sur ce coureur que découvrir qui il fut, en vérité, me bouleversa et décupla ma volonté de faire connaître ces hommes d'hier à ceux d'aujourd'hui, lui en particulier, qui attend toujours que son nom soit gravé au monument aux morts de son village, après être mort au combat, le 10 août 1917 au-dessus de la plage du Tréport, alors qu'il portait l'uniforme du 1er Groupe d'Aviation sous le grade de Maréchal des Logis. Il avait 34 ans et laissa une veuve, et deux orphelins, Lucien et Francine. .

"C'est l'histoire d'un amour irrésistible entre des montagnes, hautes, et des hommes, grands" ai-je écrit pour les divers documents que sort le Conseil Général des Hautes-Pyrénées à l'occasion du centième anniversaire du Tour de France dans les Pyrénées.

Ce livre est donc une sorte de cri d'amour pour Lapize et tous les autres, les derniers - Cauvry, Chaudé, Dufour - comme les premiers - Albini, Garrigou, Faber, Lafourcade, Cruchon. Et, comme par miracle, ce projet de refaire moi-même le même parcours, sur le même vélo qu'eux et habillé de la même tenue qu'eux, répand plus d'amour que d'inquiétudes pour mon sort, bien que celle-ci soit de plus en plus palpable autour de moi à l'approche de la date.

Dernier témoignage en date, le mail que j'ai reçu de Jean-Michel Martel, dont je ne sais rien d'autre et cela me suffit, qu'il est l'arrière petit-fils de Gustave Martel, constructeur tarbais du vélo que je chevaucherai demain pour la première fois, sa restauration par l'ami Marco étant terminée.

Je cite :

"Bonsoir Monsieur REY,

Je suis Jean-Michel MARTEL, l’arrière petit-fils de Gustave MARTEL, fils d’André MARTEL, piqué depuis ma plus tendre enfance par le virus familial de la petite reine.

Je prends enfin le temps de vous écrire pour vous témoigner toute mon admiration.

Je suis toujours resté très ému par les exploits de ceux qui sont communément appelés les forçats de la route.

Les premiers récits journalistiques d’Albert Londres m’ont permis de mieux apprécier les conditions extrêmes de leurs prouesses ainsi que leurs forces physique et mentale.

Ces histoires ont par ailleurs pour moi une connotation affective, et me rapprochent des performances de mon aïeul.

Aussi par l’intermédiaire de mon père, j’ai tout de suite été enthousiasmé par votre idée de refaire cette étape mythique de Luchon-Bayonne dans les conditions de 1910.

Tous les soirs, je ne manque pas de parcourir votre blog si riche d’anecdotes.

Je reste toujours impatient de retrouver ce petit moment de plaisir que me procure la lecture de votre journal, retraçant des faits historiques agrémentés de superbes photos et d’expériences inoubliables.

Votre blog aura permis, j’en suis sûr, à bon nombre d’apprécier la difficulté ou la folie de votre entreprise sportive.

Que dire de votre « Rossinante », je ne saurais être objectif cette machine évoquant beaucoup de choses pour moi.

La découverte de cette splendide monture (et plus particulièrement de sa plaque) dans votre message du 17 mai m’a touché.

Les dernières photos diffusées sur votre blog donnent un avant goût de cette exceptionnelle journée du 12 juin : 18 au jus !

Ma condition physique ne me permet malheureusement pas de rêver à de pareilles aventures.

Néanmoins, si vous me le permettez bien évidemment, je me ferai un immense plaisir de vous accompagner sur un tronçon de votre folle épopée pour en apprécier modestement toute la difficulté.

Pour conclure, je tenais à vous remercier de nous faire partager au plus près votre périple avec votre complice Marc LEBRETON.

La chaîne de solidarité qui s’est créée autour de votre projet est une incroyable aventure humaine.

Amitiés, bien à vous.

Jean-Michel MARTEL."

C'est là, à Argelès-Gazost, patrie de Jacques Chancel, que débute Soulor.

C'est là que devraient me rejoindre Jean Bobet et Jean-Michel Martel.

Quant à Marco et moi, nous devrions ressembler à Albini (à gauche) et Cruchon...

Si je suis bien renseigné, le descendant de celui qui, dès 1902, gravit le Tourmalet lors du 2è Rassemblement du Touring-Club de France, nous retrouvera au pied du col du Soulor. Quelques mètres avant, j'aurai peut-être eu l'autre bonheur de m'arrêter saluer Jean Bobet, le fameux frère du non moins fameux Louison, auteur de la préface à mon livre et qui se propose de venir de Rennes pour graver cette vision dans sa mémoire en forme de roue rayonnée : un coureur de 1910 s'attaquant aux pentes pyrénéennes.

Il va m'être difficile de ne pas me laisser submerger par l'émotion, moi dont l'émotivité est si palpable. Mais je sais, déjà, que ce dopage plus qu'autorisé : recommandé, ! va au contraire m'aider. Il me confortera également dans mon idée qui était, certes et ne jouons pas les hypocrites, de faire parler un peu de mon bouquin, mais surtout de rendre hommage aux 59 champions qui, voici cent ans, osèrent se mesurer aux Pyrénées et en sortirent vainqueurs, H avec un H majuscule, plus haut encore que Tourmalet et Aubisque.

(à suivre)

28 - Dopage !

Partager cet article